Avec l’aide des bibliothèques et de l’espace mémoire, What for organise chaque mois des ateliers d’écriture (pour plus d’information, rendez-vous au bas de l’article). Lors du dernier atelier, nous avons pu découvrir l’Espace Mémoire et ses trésors cachés. En partant de fragments de documents, nous avons d’abord écrit un poème collectif, à la manière de Georges Perec. Nous avons ensuite choisi un fragment chacun pour écrire un court texte de fiction, une histoire. Voici le résultat.
Je me souviens
de la courbure des planches de la bibliothèque de Monsieur Smeulders
Je me souviens
des occupants du Castel fleuri qui ne voyaient pas les fleurs
Je me souviens
des 74 volontaires de 1914
Je ne me souviens pas
de la rue Auguste Benoît en 1906
Je me souviens
qu’à la grille du château, on s’inventait des histoires. D’une petit fille blonde, orpheline, enfermée dans la tour par sa vieille tante, la propriétaire du château.
Je me souviens
De la terre de Monsieur Verhaegen qui jouxtait la ferme de Monsieur De Page dans le village de Boitsfort
Je me souviens
que le 18 septembre 1972, Laurent et Marc manquaient à l’appel de l’instituteur; le premier avait déménagé et le second se faisait opérer des amygdales.
Je me souviens
que La Nutricia nourrissait les nourrissons de Boitsfort
Je me souviens
de la dette de 7 francs 50 centimes de l’Administration communale de Watermael-Boitsfort à Bruxelles Maritime
Je me souviens
de l’odeur de souffre des feuilles mortes en automne après le passage du tram 33, chaussée de la Hulpe.
Je me souviens
de cet arbre couché en l’avenue de la Vènerie suite à un bris de tuteur en cette fin juillet 1910
Je me souviens
De l’anarchisme à Watermael-Boitsfort, Eugène Gaspard Marin et ses copains
Je me souviens
que sous le régime français (XVIIIème siècle), l’avenue Van Becelaer s’appelait Chemin des Urines.
Je me souviens
de la facture émise le 18 février 1910 par la fabrique de Timbre en caoutchouc pour la réalisation de deux plaques émail 50×30 rue de la tenderie, même texte en flamand
Je me souviens
que Nare et Bene étaient géants.
Je me souviens
de la séance cinématographique du 30 juillet 1910
Je me souviens
des craintes de Mr Van Lewick que je trouvais très exagérées
Je me souviens
que Saint Nicolas a apporté à l’école de la Chée de la Hulpe 402, 8 cuisinières, 14 fusils, 23 poupées, 21 autres fusils
Je me souviens
des pavés gelés de la place Bischoffsheim, de ma grand-mère se cramponnant au bras de mon grand-père et moi qui courait devant eux.
Je me souviens
des poteaux placés en 1899 aux endroits dangereux de la commune par la Ligue Vélocipédique Belge
Je me souviens
des ballades de rue à la découverte du fauvisme brabançon
Je me souviens
du dernier trophée du gouverneur.
Je me souviens
des excursions scolaires à Hastière
Je me souviens
de mademoiselle Madeleine, institutrice à l’école des Cèdres. Elle avait un amoureux qui l’attendait devant l’école. A la fin de la classe, elle sortait son poudrier de son sac et se poudrait discrètement le bout du nez.
Je me souviens
du système de chauffage par la vapeur à basse pression
Je me souviens
du jour de l’inauguration de la nouvelle école communale. Mon oncle, qui jouait de la trompette dans la fanfare, répétait depuis des mois et ma tante venait tous les dimanches chez nous pour ne plus l’entendre.
Je me souviens
des couvertures et torchons extrêmement avantageux pour distribuer aux pauvres
Je me souviens
de l’amicale du personnel et des discussions à bâtons rompus
Je me souviens
qu’avec mes amies, après l’école, on allait se coller à la grille du ‘Château’. On disait ‘le Château’, on n’aimait pas dire ‘Charles Albert’, c’était pas assez mystérieux.
Je me souviens
du Sabot rouge qui confectionnait des chaises à trois pieds
Je me souviens
j’habitais Drève du Duc. Notre voisin s’appelait Jean, il était très vieux. Souvent il restait sur le pas de sa porte, à regarder les enfants jouer. Nous, on ne le voyait même plus. On jouait à ‘trottoir’ devant sa maison, comme s’il n’existait pas. Un jour il est mort. Alors on a vu qu’il n’était plus sur le pas de sa porte.
Je me souviens
que bourgeois et ouvriers manifestaient ensemble pour le suffrage universel et la représentation proportionnelle à la grande manif du 29 mai 1899 à 6h du soir
Je me souviens
des tas de pavés le long des rails du train à la gare de Watermael, empilés comme des petites montagnes. On grimpait dessus, ils dégringolaient, on glissait, on tombait, on se faisait des trous au genou et au pantalon.
Je me souviens
des factures écrites à la main
Je me souviens
que Monsieur Edouard Demulder gagnait 1 franc à 1 franc 50 par jour en donnant un coup de main
Je me souviens
quand mes parents parlaient du couvent, ils prenaient un air respectueux, baissaient un peu la voix. Comme s’ils avaient un peu peur, je pense. Ça m’impressionnait. Surtout quand je voyais les sœurs, au visage sévère et sans expression.
Je me souviens
des demi ouvriers employés à la serrurie-poelerie-plonberie Maison Fl Henry Jomaux inventeur constructeur breveté de l’obturateur automatique contre les odeurs les rats et les inondations spécialiste de salles de bain WC et lavabos distributeur général pour le placement des eaux et du gaz magasin quincaillerie et articles de ménage
Je me souviens
des 336,80 francs dus en 1901 par la commune de Boitsfort pour sa consommation électrique des bâtiments, maison communale, école de dessin et église
Je me souviens aussi de quelques histoires… à moins que ma mémoire me joue des tours…
Première histoire (Anne)
Je me souviens de la facture émise le 18 février 1910 par la fabrique de Timbre en caoutchouc pour la réalisation de deux plaques émail 50×30 rue de la tenderie, même texte en flamand.
Je me souviens de son écriture. Ample dans les liés et déliés. L’encre de son stylo était plutôt claire. Rien d’agressif dans cette couleur. Une nuance pastel peut-être. J’aimais ses jambages, ses majuscules souples et rondes. J’y lisais sa détermination. Un amour de la rigueur, du travail bien fait, de la bonne ouvrage.
A l’époque, j’étais comptable à la commune de Boitsfort, responsable des achats, et des plaques en émail, j’en aurais commandé chaque semaine pour recevoir ses factures et déchiffrer quelque romance dans ses écrits.
Deuxième histoire (Alexis)
Un grand cerf aux abois chassé pour ses bois. Le dernier coup de fusil du gouverneur fit mouche. Le voici désormais devenu trophée. Dans la Maison Haute, le grand cerf ne regardera plus jamais par la fenêtre.
Troisième histoire (Jacqueline)
Cette année-là, les employés de la commune avaient décidé de fêter le nouvel-an au New Square.
Au menu : raclette à volonté, pour 500 F.
‘C’est un peu cher, même à volonté’ avaient dit certains… La volonté de l’estomac des uns n’étant pas égale à celle des autres !
Le bourgmestre, bon prince, avait dit : ‘Je paierai les boissons’.
L’argument fut décisif, le gosier des employés de la commune de Watermael-Boitsfort étant, à peu de choses près, doté de la même déclivité.
Cette année-là donc, le New Square opta résolument pour une décoration de Noël boitsfortoise, guirlandes bleues et têtes de cerf empaillées.
Quatrième histoire (Victor)
20h00. Le silence se fait doucement dans la salle. De l’estrade commence à parler une voix grave.
La voix résonne sur les draps et dorures qui décorent les murs du palais.
Moi, je suis au fond.
Et avec l’écho et la distance, je ne comprends rien.
La voix parle, parle, et rit parfois.
Quand elle rit, tout le monde reprend en cœur et rit de plus belle.
Cette incompréhensible chanson se termine par un tonnerre d’applaudissements qui me tapent sur le crâne.
Et dans ce vacarme assourdissant je me prends à penser que …
« Lors de la remise de la croix de Feux, on honore plus les rois et les ministres que les anciens combattants ».
Les bibliothèques, en partenariat avec l’Espace Mémoire, la Vénerie, les asbl Hisciwab et Mémoire Vive, vous proposent de raconter la commune en compagnie du Collectif What for.
Au cours de sept ateliers d’écriture médiatique, l’équipe de What for — épaulée par de nombreux intervenants — vous accompagnera dans l’appropriation des techniques et outils pour raconter en mots et en images Watermael-Boitsfort d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Lors de chaque atelier thématique, vous serez invité à explorer la commune sous un angle historique, journalistique, photographique, ou même fictionnel…
Le cycle commence en décembre 2016 et se prolongera jusqu’en juin 2017. Les participants auront la possibilité de publier certains de leurs écrits sur le site des bibliothèques ou sur www.whatfor.be.
Le dates et thèmes retenus pour les ateliers sont les suivants :
- 14/01/2017 : Écrire sur What for, votre article de a à z
- 11/02/2017 : Photographie et Watermael-Boitsbort
- 11/03/2017 : Écrire W-B passé, présent et futur
- 22/04/2017 : Écrire sa commune – recueillir la mémoire
- 13/05/2017 : Ecrire pour être lu, oui mais dans quel style
- 24/06/2017 : Écrire tous ensemble (clôture)
Inscription et informations : via à info.whatfor@gmail.com ou bib.francophone1170@wb.irisnet.be ou par téléphone au 02 660 07 94.
Prochain atelier : #2 Ecrire sur whatfor.be votre article de A à Z
Vous avez toujours rêvé d’écrire sur Internet ou ailleurs mais vous n’avez jamais osé ? Vous aimez le journalisme ou l’information locale mais rien n’existe dans votre quartier ?
Cet atelier vous permettra en 2 heures d’écrire collectivement ou en solo un article d’information sur votre quartier ou sur la commune et vous donnera la possibilité (si vous le désirez) de publier cet article sur la plateforme www.whatfor.be.